Se rendre au contenu

Les matières luminescentes

Historique

les matières luminescentes font partie des aspects les plus fascinants de l’horlogerie, mêlant science, histoire et esthétique.

Elles ont évolué au fil du temps, passant de substances radioactives dangereuses à des composés modernes sûrs et durables.

Voici une explication complète de leur histoire, fonctionnement, types et caractéristiques.

1. Qu’est-ce qu’une matière luminescente ?

En horlogerie, une matière luminescente est une substance appliquée sur les aiguilles, index ou chiffres d’un cadran pour qu’ils brillent dans l’obscurité.

Elle a deux grandes fonctions :

  • Lire l’heure de nuit ou en faible luminosité.
  • Donner une signature visuelle (identité, style, technicité).

2. L’évolution historique des matières luminescentes

1. L’ère du radium (1910–1960)

  • Découverte du radium en 1898 par Marie et Pierre Curie.
  • Dès les années 1910, on mélange du radium avec du sulfure de zinc pour créer une peinture luminescente radioactive.
  • Utilisation massive pendant la Première et Seconde Guerre mondiale :
    • Montres, instruments de bord, boussoles…
    • Les soldats pouvaient lire l’heure sans source de lumière externe.

Inconvénients majeurs :

  • Le radium est extrêmement radioactif (demi-vie : 1600 ans).
  • Les “Radium Girls”, ouvrières qui peignaient les cadrans, ont subi de graves maladies et cancers en raison de l’ingestion accidentelle du matériau.
  • De nombreuses montres anciennes sont encore radioactives aujourd’hui.

Résultat : interdiction progressive du radium dans les années 1960.

2. Le tritium (1960–1990)

Pour remplacer le radium, les marques adoptent le tritium (³H), un isotope de l’hydrogène :

  • Radioactivité beaucoup plus faible (demi-vie : 12,3 ans).
  • Sécurité largement améliorée, sans danger pour l’utilisateur.
  • Utilisé par Rolex, Omega, Seiko, Blancpain, et de nombreuses montres militaires.

Le tritium est souvent signalé par :

  • Le marquage “T Swiss Made T”, “T<25”, ou simplement “H3” sur le cadran.

Fonctionnement :

  • Le tritium émet des électrons (β-).
  • Ceux-ci excitent un phosphore (ZnS), qui émet de la lumière.
  • La luminosité est continue, même sans lumière externe, mais diminue avec le temps.

Inconvénients :

  • Luminosité faible et dégressive (après 10-15 ans, la montre ne brille presque plus).
  • Toujours légèrement radioactif, bien que sans danger dans une montre fermée.

3. Les pigments photoluminescents (depuis 1990)

Avec la fin du tritium, les marques adoptent des pigments non radioactifs capables de stocker la lumière puis de la restituer dans le noir.

Principe :

  • Ces pigments absorbent la lumière naturelle ou artificielle.
  • Ils emmagasinent l’énergie (photons).
  • Puis ils émettent lentement cette lumière dans l’obscurité.
    phénomène de phosphorescence.

Les plus connus :

Nom commercial Fabricant Année Particularités
Super-LumiNova® RC Tritec (Suisse) 1993 Non radioactif, très durable, utilisé par la majorité des marques suisses.
Lumibrite® Seiko 1995 Très puissant, sans tritium, excellent rendement.
Chromalight® Rolex 2008 Ton bleuté distinctif, durée d’émission plus longue (jusqu’à 8h).
Luminova® Nemoto (Japon) 1993 Précurseur du Super-LumiNova, base technologique identique.

Composition :

  • Aluminate de strontium dopé à l’europium (SrAl₂O₄ : Eu²⁺).
  • Sans radioactivité.
  • Durée d’émission : 6 à 10 heures, selon la charge lumineuse.

3. Les technologies actuelles et alternatives

Microcapsules de tritium (GTLS ou H₃ tubes)

  • Utilisées par Ball, Traser, Luminox, Marathon.
  • Petits tubes en verre contenant du gaz tritium et un revêtement phosphorescent.
  • Brillent en continu pendant 20 à 25 ans, sans recharge lumineuse.
  • Luminosité stable mais moins intense que les pigments fraîchement chargés.

Effets esthétiques modernes

  • Différentes teintes disponibles : vert, bleu, turquoise, orange, blanc, etc.
  • Certaines marques les utilisent pour un effet design ou rétro :
    • “Old Radium” ou “Faux patina” → pigments beiges imitant la patine du radium.
    • “Full lume dial” → cadran complet luminescent (Seiko, Bell & Ross, Panerai…).

4. Avantages et inconvénients par génération

Type Époque Radioactif Autonomie Intensité Durée de vie Sécurité Exemple de marque
Radium 1910–1960 ⚠️ Oui Continue Forte Quasi éternelle Très dangereux Montres militaires anciennes
Tritium 1960–1990 Faible Continue Moyenne ~12 ans Relativement sûr Rolex, Omega
Super-LumiNova / Lumibrite 1990–auj. Non Rechargeable Très forte Illimitée Sans danger Rolex, Omega, Seiko
Tritium tubes (GTLS) 1990–auj. Faible Continue Moyenne 20 ans Sûr Ball, Luminox, Traser

5. En résumé

Les matières luminescentes racontent un siècle d’évolution technique :

de la radioactivité du radium, à la sécurité du tritium, jusqu’à la luminosité écologique et durable du Super-LumiNova.

Elles ne servent plus seulement à lire l’heure, mais aussi à affirmer le caractère et l’identité visuelle d’une montre.

La glace saphir
Historique